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Bloggia - Page 4

  • Allégresse! Le nombre de travailleurs frontaliers à Genève ne cesse d’augmenter

     

    La Tribune de Genève du jour revient sur l’augmentation exceptionnelle du nombre de travailleurs frontaliers à Genève en 2022, qui atteignent désormais le chiffre record de près de105’000 !

    https://www.tdg.ch/geneve-ne-peut-clairement-pas-se-passer-des-frontaliers-729992134156

    Et chacun y va de sa réjouissance, car cela ne serait que le signe de la santé remarquable de notre économie, dont la résilience face aux crises successives doit être saluée. C’est vrai. 
    Oui, le canton de Genève, presqu‘île helvétique en France, n’a pas suffisamment d’actifs pour les besoins de son économie. Oui, sans les travailleurs frontaliers et les résidents d’autres cantons, nos acteurs économiques ne seraient pas en mesure de pourvoir leurs postes de travail. Et le secteur de la santé en est un exemple notoire.

    Mais il est vrai aussi, même si cela n’est reconnu que du bout des lèvres, que cela ne va pas sans poser des problèmes multiples en Suisse, comme en France voisine. De mobilité d’abord, et les communes frontalières en savent quelque chose, puisque le transport individuel, faute de transports publics efficaces en France, reste privilégié. Mais économiques et sociaux ensuite, car quel résident français est en mesure de se loger à proximité de la frontière s’il n’est employé en Suisse, et donc bénéficiaire d’un salaire suisse?
    Il y aurait tant à dire à cet égard, mais tel n’est pas mon propos aujourd’hui.


    C’est bien plutôt l’autosatisfaction de la Fédération des entreprises romandes (FER) qui m’interpelle. Elle qui, dans un communiqué de presse récent, appelle à ne pas “gaspiller des voix” lors des prochaines élections cantonales, en faveurs de partis “plus populistes que constructifs”. Entendez par là prioritairement le Mouvement Citoyens Genevois, qui soutient activement la priorité à l’emploi pour les résidents genevois.
    Cette condescendance, pour ne pas parler d’arrogance, prêterait à sourire si elle n’était l’expression d’une incapacité à identifier une problématique bien réelle, que vivent au quotidien les travailleurs genevois, celle d’une concurrence ressentie comme déloyale de main d‘œuvre venue de l’Hexagone. 

    C’est ainsi que l’on peut lire dans le même article du jour, que rien ne serait “prouvé” à cet égard, et qu’en définitive, celles et ceux qui cherchent en vain un travail ou le perdraient, n’auraient qu’à s’en prendre à eux-mêmes, victimes d’un manque de formation ou d’une inadéquation de leurs qualifications à l’égard des besoins du marché. 

    Tout cela serait si simple en fait, nos employeurs ne demandant qu’à engager local, mais faute de trouver chaussure à leur pied, seraient contraints d’aller regarder au-delà de nos frontières. Des jeunes en recherche de premier emploi qui se verraient préférer une expérience venue d’ailleurs pour un salaire identique ou inférieur, cela n’existe pas. Des responsables de ressources humaines français, mieux au fait des filières de formation françaises, cela n’existe pas. Des cadres français qui engagent des collègues qu’ils connaissent, avec la complaisance ou la paresse de leur employeur, cela n’existe pas. Ou plutôt, “cela n’est pas prouvé”…et surtout n’essayons pas de d’y regarder de plus près.


    Pourtant, le 20 février 2020, alors chargé de l’emploi, je signais avec la FER et l’Union des Associations Patronales Genevoises (UAPG), une Charte incitant les employeurs du canton à recruter en priorité nos demandeurs d’emploi.

    https://www.fer-ge.ch/web/fer-ge/w/une-charte-en-faveur-de-l-emploi-local

    Le COVID est passé par là, certes, mais qu’ont fait ces deux partenaires depuis lors pour promouvoir cette Charte? Était-ce une opération de communication de leur part pour endormir notre vigilance et continuer comme si de rien n’était et nous faire oublier que les électeurs suisses ont accepté un certain 9 février 2014 un article 121a de notre Constitution fédérale, dont l’alinéa 3 rappelle: Les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale; ils doivent inclure les frontaliers.
    Veut-on encore nous faire croire que cette injonction n’est pas restée lettre morte?

    Comprenons-nous bien, c’est à force de tirer sur l’élastique qu’il finit par céder. Laisser penser qu’il n’y a pas de dumping salarial dans le secteur privé pour les postes exigeant des compétences et une formation; laisser penser qu’il n’y a pas de copinage et de cooptation dans certaines entreprises et certains secteurs, tant pour l’engagement que pour la promotion; c’est laisser se gangréner notre paix sociale.

    Ce n’est pas freiner notre économie, ni même faire preuve d’ingratitude à son égard pour les moyens considérables qu’elle apporte à l’Etat dans l’accomplissement de ses tâches d’intérêt public, que de lui rappeler que l’on n’avance jamais durablement sans se soucier du terreau dans lequel on implante sa prospérité. Et aujourd‘hui, et pour longtemps encore, le Grand Genève dont on se gargarise tant, est séparé par une frontière, n’en déplaise à certains, avec des systèmes juridiques et, surtout, des pouvoirs d’achat distincts.

  • La tyrannie du politiquement correct

    Plus forte que la censure, l’auto-censure. Comment donc se révolter contre un silence imposé si l’on est complice du censeur? Accuser c’est se condamner. Ce terrorisme de la pensée acceptable, de cette niaise bienséance érigée en avant-gardisme intellectuel, nous submerge peu à peu, à tel point que semblables à la grenouille de la fable, nous allons passer de la douce torpeur à l’ébouillantage sans transition, et surtout, sans réaction.


    Me revient à l’esprit la mise en garde de Umberto Eco, pour qui le fascisme reviendra, à condition de se nommer “anti-fascisme”.  Et il est vrai qu’il n’y a jamais eu autant d’anti-fascistes depuis que le fascisme, en tant qu’idéologie de masse, a disparu. Les nouveaux gardiens autoproclamés de nos libertés sont multiples, à commencer par les “Antifas” d’Extrême gauche, qui font irruption, cagoulés, dans nos universités et autres lieux de débats, pour imposer par la haine et l'injure le silence à ceux qu’ils désignent en tant qu’ennemis de…de quoi au fait?. Il y a tant de points communs entre le fascisme et la Révolution française dans sa phase jacobine. Et c’est là sans doute l’exemple le moins inquiétant de cette nouvelle tyrannie, tant le danger est patent, et suscite l’indignation.
    Plus redoutable est cependant cette religion civile rampante qui s’installe à notre insu, et dont nous devenons malgré nous les disciples inconscients. 


    Nous devons désormais renier nos racines, notre Histoire, notre identité, au nom d’une culpabilité génétique qui dépasse notre individualité. A l’analyse implacable et impartiale des souffrances inacceptables infligées aux porteurs de différences, que ces dernières soient réelles ou prétendues, et dont nous devons assumer la réparation, se substitue une mélasse malodorante d’autoflagellation collective. A l’instauration déterminée d’une véritable égalité des droits, se substitue désormais un nivellement destructeur de ce que les différences sont porteuses de richesse, quand on n’instaure pas carrément une discrimination nouvelle que doivent subir les vergogneux que nous sommes, en guise de pénitence.
    Non. Je ne porte pas dans ma besace les fautes de nos ancêtres. Je réponds de mes actes, comme chacun de nous, et je m’applique autant que je le peux, comme nous le devons tous, à contribuer à disséminer davantage de justice et d’équité dans un monde où il y a tant à faire, et qui en a tant besoin.


    Tant que des femmes et des hommes politiques, muselés par une honte qui leur est dictée par ces nouveaux gourous, continueront à vouloir plaire, ou à tout le moins ne pas déplaire, préférant le silence à la vérité qui dérange, le politiquement correct rimera avec le politiquement inutile. Je ne plaide ni pour la provocation, ni pour l’irrespect, car tout peut se dire, lorsque l’autre n’est pas nié. Mais cet électroencéphalogramme plat de notre discours politique ne fait que le jeu des extrêmes, et à ce jeu-la, l’Histoire nous apprend que la liberté et la démocratie ne sortent jamais gagnants.

     

     

     

     

     

  • Il y a un demi-siècle, Genève s’engageait…

    … à verser aux collectivités locales françaises, au titre de leurs habitants travaillant sur le territoire cantonal, une compensation financière.


    Oui. C’est très exactement le 29 janvier 1973, voici 50 ans, que cet Accord a été signé, par le Conseil fédéral pour le compte de la République et canton de Genève, et par la République française, accordant aux Départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, une compensation financière (et non pas une rétrocession fiscale, contrairement à ce que d’autres cantons accèpteront 10 ans plus tard) correspondant à 3,5 % de la masse salariale des travailleurs frontaliers résidant sur leurs territoires. 

    https://www.estv.admin.ch/dam/estv/de/dokumente/international/laender/france/F-Grenzgaengervereinbarung-Genf.pdf.download.pdf/Frankreich-Grenzgaengervereinbarung-Genf_fr.pdf

    A l’époque, le nombre de ces travailleurs, qui contribuaient à l’économie genevoise, était sans commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui, mais leur augmentation, passant de 9’500 en août 1969, à 21’000 en avril 1972, avait interpellé les autorités. En réalité, il s’agissait de main-d’oeuvre locale (il fallait prouver une résidence de 6 mois au moins dans la région pour obtenir un permis de travail à Genève), dont les entreprises françaises se trouvaient privées, et dont les impôts n’étaient plus prélevés en France.


    Rien à voir avec le profil de la majorité des travailleurs frontaliers actuels, qui trouvent un travail à Genève, avant de s’installer en zone frontalière, en provenance des quatre coins de l’Hexagone, et au-delà. Les Accords de libre circulation entre la Suisse et l’Union européenne ont renforcé ce phénomène, puisque le travailleur frontalier et son employeur ne sont plus désormais astreints qu’à un devoir de simple annonce.
    Les fondements mêmes de cet Accord, qui visait à “compenser” ce que perdaient les Départements voisins par ce départ important de main-d’oeuvre, se sont dès lors diamétralement modifiés en 50 ans, et il s’impose dès lors urgemment de se remettre autour de la table entre partenaires de la Région, pour en discuter.
    Cela est d’autant plus vrai que la Convention contre la double imposition signée entre la Suisse et la France en 1966 indique clairement que le lieu d’imposition est le lieu de travail, et qu’une dénonciation de l’Accord de 1973 pourrait libérer Genève de toute obligation financière, ce qui ne serait certainement pas équitable. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1967/1079_1119_1113/fr


    Aujourd’hui, ce sont plus de 101’000 travailleurs frontaliers qui viennent quotidiennement à Genève, canton qui se tient sur le haut du podium dans ce domaine, avec un nombre de plus de 21’000 arrivées pour 2022
    https://statistique.ge.ch/actualites/welcome.asp?actu=4903&Actudomaine=03_05&mm1=01/01&aaaa1=2023&mm2=1/29&aaaa2=2023

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    D’une part, ces chiffres sont réjouissants, puisqu’ils témoignent de la vitalité et de la robustesse de notre économie, laquelle ne dispose pas de suffisamment d’actifs sur le territoire genevois. D’autre part, cependant, il faut se demander pourquoi cette même économie ne trouve-t-elle pas ou prétend-elle ne pas trouver les forces nécessaires, à Genève. 
    Les domaines d’activité concernés n’intéressent-ils pas nos résidents? Nos formations ne sont-elles pas adaptées aux besoins? Nos employeurs ne donnent-ils pas à nos jeunes fraîchement formés l’opportunité d’un premier emploi, préférant la fausse assurance d’une expérience préalable? Au-delà du salaire minimum, qui attire chez nous de nombreux travailleurs frontaliers sans véritable expérience, assiste-t-on à un dumping de compétences en faveur de cadres frontaliers, disposés à être surqualifiés pour des salaires bien supérieurs à ceux qu’ils peuvent espérer en France?
    Ces problématiques ne semblent intéresser personne. Les partis de droite considérant que la libre concurrence va pouvoir, une fois de plus, réguler l’offre et la demande, et les partis de gauche, craignant d’opposer des travailleurs d’ici à des travailleurs de là-bas, sont convaincus que la mère de toutes les batailles, cette du salaire minimum, ayant été remportée, le reste suivra.


    Une sainte alliance de l’inertie, donc, qui risque fort d’avoir raison de notre paix sociale, si les autorités, de part et d’autre de la frontière, ne redonnent à l’Accord de 1973 une nouvelle vocation, celle d’un mieux-vivre ensemble, pour reprendre une expression trop souvent galvaudée, mais véritablement approprié en cette circonstance. Et je ne parle pas que de perception genevoise, car l’arrivée massive de “nouveaux frontaliers” dans les départements voisins, faisant augmenter le coût de la vie, et notamment de l’immobilier, repousse toujours plus loin les habitants qui ne travaillent pas en Suisse, et soumettant les “anciens frontaliers” à une concurrence à laquelle ils n’avaient pas été confrontés jusqu’ici.
    Les 350 millions de francs que versera bientôt Genève, soit en moyenne sur ces dernières années plus de 35% des impôts prélevés sur les salaires de ces travailleurs frontaliers, n’ont plus rien à voir avec les objectifs de 1973, et ne peuvent plus être utilisés au bon vouloir des départements créanciers, dont les Préfets, selon cet Accord, “font connaître l’utilisation des crédits mis à disposition des deux départements”.


    Il ne s’agit pas d’informer Genève de ce à quoi ces sommes gigantesques sont utilisées, mais de convenir ensemble de leur utilisation. Lorsque plus de 450’000 passages de véhicules journaliers sont dénombrés à la frontière entre Genève et la France, il est grand temps de construire d’urgence de nombreux parkings-relais en région frontalière afin de favoriser les transports en commun, lesquels doivent être renforcés. 
    La problématique de la pénurie de personnel soignant en France a permis enfin de laisser s’exprimer le scepticisme quant à l’absence de régulation de la libre circulation, discours jusqu’ici porté par une minorité, rapidement taxée de xénophobie. Il est donc important que les flux transfrontaliers de travailleurs soient observés et analysés en commun afin d’anticiper les besoins et d’assurer l’équilibre des formations.


    Il est donc urgent d’actualiser les principes de l’Accord de 1973, et de négocier une participation financière de Genève, plus équitable et mieux ciblée.