La tyrannie du politiquement correct (04/02/2023)
Plus forte que la censure, l’auto-censure. Comment donc se révolter contre un silence imposé si l’on est complice du censeur? Accuser c’est se condamner. Ce terrorisme de la pensée acceptable, de cette niaise bienséance érigée en avant-gardisme intellectuel, nous submerge peu à peu, à tel point que semblables à la grenouille de la fable, nous allons passer de la douce torpeur à l’ébouillantage sans transition, et surtout, sans réaction.
Me revient à l’esprit la mise en garde de Umberto Eco, pour qui le fascisme reviendra, à condition de se nommer “anti-fascisme”. Et il est vrai qu’il n’y a jamais eu autant d’anti-fascistes depuis que le fascisme, en tant qu’idéologie de masse, a disparu. Les nouveaux gardiens autoproclamés de nos libertés sont multiples, à commencer par les “Antifas” d’Extrême gauche, qui font irruption, cagoulés, dans nos universités et autres lieux de débats, pour imposer par la haine et l'injure le silence à ceux qu’ils désignent en tant qu’ennemis de…de quoi au fait?. Il y a tant de points communs entre le fascisme et la Révolution française dans sa phase jacobine. Et c’est là sans doute l’exemple le moins inquiétant de cette nouvelle tyrannie, tant le danger est patent, et suscite l’indignation.
Plus redoutable est cependant cette religion civile rampante qui s’installe à notre insu, et dont nous devenons malgré nous les disciples inconscients.
Nous devons désormais renier nos racines, notre Histoire, notre identité, au nom d’une culpabilité génétique qui dépasse notre individualité. A l’analyse implacable et impartiale des souffrances inacceptables infligées aux porteurs de différences, que ces dernières soient réelles ou prétendues, et dont nous devons assumer la réparation, se substitue une mélasse malodorante d’autoflagellation collective. A l’instauration déterminée d’une véritable égalité des droits, se substitue désormais un nivellement destructeur de ce que les différences sont porteuses de richesse, quand on n’instaure pas carrément une discrimination nouvelle que doivent subir les vergogneux que nous sommes, en guise de pénitence.
Non. Je ne porte pas dans ma besace les fautes de nos ancêtres. Je réponds de mes actes, comme chacun de nous, et je m’applique autant que je le peux, comme nous le devons tous, à contribuer à disséminer davantage de justice et d’équité dans un monde où il y a tant à faire, et qui en a tant besoin.
Tant que des femmes et des hommes politiques, muselés par une honte qui leur est dictée par ces nouveaux gourous, continueront à vouloir plaire, ou à tout le moins ne pas déplaire, préférant le silence à la vérité qui dérange, le politiquement correct rimera avec le politiquement inutile. Je ne plaide ni pour la provocation, ni pour l’irrespect, car tout peut se dire, lorsque l’autre n’est pas nié. Mais cet électroencéphalogramme plat de notre discours politique ne fait que le jeu des extrêmes, et à ce jeu-la, l’Histoire nous apprend que la liberté et la démocratie ne sortent jamais gagnants.
19:24 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Bravo encore une fois Mauro! Toutes ces "nouvelles modes", comme je les appelle, le véganisme, l'obsession du genre, etc. etc, on en compte des dizaines, voire plus, ON EN A MARRE! Sans oublier que ce qui était "politiquement correct" il y a 100 ans ne l'est plus aujourd'hui (voir David de Pury, Carl Vogt et bien d'autres). INSUPPORTABLE, époque et mentalité détéstable. Les gens ne peuvent ou ne veulent pas se remettre dans le contexte de l'époque! Il faudra bientôt songer à rendre aux Italiens les pièces romaines de nos musées si on continue comme ça!
Écrit par : Diego Abeya | 05/02/2023
Vous avez très bien résumé et dénoncé cette situation qui gangrène le monde occidental et en particulier les pays berceau du siècle des lumières. Continuons à dénoncer ces dérives sectaires présentes non seulement en politique mais aussi dans la culture, l'économie et combattons les au quotidien. Merci M Mauro Poggia.
Écrit par : Richard | 05/02/2023
Cher Monsieur,
Je ne connaissais pas la citation d’Umberto Eco. C’est terrifiant de vérité. Non seulement je partage le fond de votre pensée mais je vous découvre une belle plume.
Merci.
Écrit par : Joanna Bürgisser | 05/02/2023
Il est si simple de bénéficier des actes de ces ancêtres sans en porter les conséquences.
Récolter les dettes des pays décoloniser, continuer à les piller mais refuser toute responsabilité à cet égard.
En effet, prenez responsabilité de vos actes et apprenez des erreurs du passé.
Écrit par : L | 05/02/2023
Votre commentaire illustre parfaitement ce que je dénonce. Pour cela , merci. Si vous m’aviez lu l’esprit ouvert, vous auriez retenu que je ne cautionne en aucun cas les violations des droits humains commises dans le passé, et dont nous bénéficions encore aujourd’hui. A fortiori, je n’avalise pas ce qui est commis aujourd’hui, bien que la Suisse ne soit pas une puissance coloniale et ne l’a jamais été. Cela ne fait pas de moi un coupable permanent, au point de m’autoflageller à longueur de temps, comme le voudraient des masochistes mal dans leur peau, plus occupés à pleurer sur le passé qu’à tenter d’améliorer l’avenir.
Écrit par : Mauro Poggia | 05/02/2023
M. Poggia je suis à 1000% d'accord avec votre indignation.... néanmoins vous fustigez l'inaction des "femmes et hommes politiques"... Mais, autant que je sache, vous en faites partie, alors c'est très bien de faire part sur les réseaux sociaux de votre sentiment d'injustice mais des actions concrètes seraient nettement plus utiles! VOUS êtes au pouvoir, alors convainquez vos 6 autres collègues du Conseil d'État afin de lutter efficacement contre ce wokisme que la plupart des gens, hormis les minorités, dénoncent!
Écrit par : Brigitte Boucard | 07/02/2023
Vous avez totalement raison Madame Boucard, ce sont les élus qui doivent faire bouger les lignes à l'eut niveau. Dénoncer c'est bien, agir c'est mieux.
Écrit par : Richard | 07/02/2023
Vous avez raison, mais je pense ne pas faire usage de langue de bois, et dire ce que je pense, avec respect, mais fermeté.
Écrit par : Mauro Poggia | 07/02/2023