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  • Indignons-nous!

    Indignez-vous! Écrivait Stéphane Hessel en 2010, trois ans avant sa mort. Qu’en reste-t-il aujourd’hui?


    La souffrance relayée par les médias, qui touche deux peuples en Israël et en Palestine, et dont la décence interdit toute comptabilité comparée, ne trouve pour réponse que le silence ou l’outrance. On est pour ou on est contre. Et si l’on est pour l’un, c’est parce l’on est contre l’autre.


    Des décennies de censure sournoise, désormais culturellement, politiquement et juridiquement intégrée, nous incitent à nous taire. Impossible d’être pour un cessez-le-feu et l’aide humanitaire aux populations civiles palestiniennes, sans être taxé de complice des actes terroristes du Hamas du 7 octobre. Impossible de condamner ces mêmes actes et l’enlèvement d’otages, sans être considéré comme sioniste. Impossible d’émettre une critique à l’encontre de la politique d’apartheid du gouvernement israélien, sans être qualifié d’antisémite. Ne nous a-t-on pas martelé que la critique envers Israël et son action, était désormais la voix masquée de l’antisémitisme?


    Impossible? Vraiment? Non! Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles, nous rappelait Max Frisch.
    Aussitôt qu’un fanatique islamiste commet un acte abject, voilà que les communautés musulmanes sont interpellée. Il leur faut condamner, défiler, se distancier. La règle et l’exception sont inversées. Si l’on ne condamne pas, on est présumé approuver.
    Fort heureusement nos médias n’en ont pas fait de même avec les communautés juives en Occident. De quel droit devrait-on présumer qu’elles approuvent, à défaut de le désavouer, le massacre de milliers d’enfants et d’innocents, même si elles considèrent à juste titre qu’Israël a droit à la sécurité, que les otages doivent être libérés, et que les auteurs des crimes du 7 octobre doivent être mis hors d’état de nuire?


    Ce à quoi l’on assiste désormais sont des crimes de guerre. Il faut le dire. Condamnés par le droit international. Et ce ne sont pas des juristes véreux qui viendront nous convaincre du contraire. Ceux-là même qui ont échafaudé la théorie remarquable de la légitime défense préventive et qui nous enseigneront demain ce qu’est ce nouveau principe de  proportionnalité, mesuré à l’aune de l’image que s’en fait l’agresseur.


    Aucune personne juste et empreinte d’humanité ne peut rester sans s’indigner, quelle que soit son origine, sa race ou sa religion. Et cette indignation n’est pas à géométrie variable selon la région du globe touchée par l’injustice.

  • L’anonymat est-il garant d’une pleine et entière liberté d’expression?

    La Tribune de Genève s’est faite l’écho d’un texte parlementaire dont je suis l’auteur, et qui demande au Gouvernement fédéral d’examiner la possibilité d’exiger de la part des médias subventionnés, directement ou indirectement, de n’autoriser sur leurs forums de discussion ou dans leurs espaces réservés aux commentaires, que des propos dont les auteurs sont reconnaissables aux yeux du public par un nom et un prénom.


    En d’autres termes, les pseudonymes, qui sont désormais devenus la règle (avec une originalité sans cesse renouvelée, tels Prout, Bardamu, AuClanDestin, Zib, Colargol, et j’en passe) ne pourraient plus être publiés comme tels, même si l’identité réelle est connue de l’hébergeur ou diffuseur, et devraient se faire connaître du lecteur.
    Je dois dire que si j’avais eu une quelconque hésitation à déposer ce texte, la lecture des multiples commentaires que la publication de l’article en question a suscités, me l’aurait dissipée (https://www.tdg.ch/medias-en-ligne-mauro-poggia-sattaque-aux-commentaires-anonymes-437315573217)


    C’est ainsi que l’on assiste à une succession de jugements péremptoires et sans nuance, de critiques personnelles, largement malveillantes, et souvent sans rapport avec le sujet, dans un français approximatif qui exige la récitation à haute voix pour en comprendre la syntaxe, pour peu que l’on veuille ignorer l’orthographe. Bref, le seul mérite de cette ouverture à l’anonymat semble être de ne pas grever l’assurance maladie obligatoire, tout en octroyant un défouloir à une meute hurlante qui attend le moindre prétexte pour se retrouver entre soi, afin de dire tout le mal qu’elle pense de tout ce qui n’est pas de son avis.

    Il est vrai que d’ouvrir les commentaires à un article qui parle de la suppression de l’anonymat pour les commentaires équivaut à publier un article sur les mérites du véganisme dans la gazette des bouchers.


    Plus sérieusement, la liberté d’expression à laquelle nous sommes tous attachés, doit-elle garantir l’anonymat? Cela devrait être le cas, si je comprends bien certains commentaires mieux rédigés que d’autres, afin de lutter contre le pouvoir en place, ou contre l’autorité quelle qu’elle soit, sans risquer de représailles. Cela permettrait même aux détenteurs de cette autorité, de savoir ce que l’on pense d’eux, sans toutefois oser le dire. En d’autres termes l’anonymat serait salutaire tant pour celui qui s’en prévaut pour dire ce qu’il pense que pour celui qui en souffrirait s’il n’avait l’ouverture d’esprit d’en tirer des leçons.


    Pourtant, en démocratie - et quoi qu’en disent les Filou, Morbak ou Charlemagne, la Suisse en fait bien partie - tant que l’on ne franchit pas les limites de l’atteinte à l’honneur ou de la sphére privée, très élastiques lorsque l’on est une personnalité publique, les propos sont libres, voire très libres. Quelle est donc la crainte? De plus, la protection des donneurs d’alerte est désormais bien cadrée, et ce n’est pas dans les commentaires ou sur des forums de discussion que les scandales sont dénoncés.
    Ce qui se justifierait en autocratie (si ce n’est qu’il n’y a pas place aux commentaires sous ces régimes), n’a pas de justification en démocratie.
    Certes le droit pénal est là pour sanctionner les excès; mais qui a du temps à perdre pour déposer une plainte contre X, si ce n’est dans les cas les plus graves.


    Le but n’est pas ici de guérir les outrances commises en pénalisant leurs auteurs, mais de les prévenir, par l’inévitable réflexion qui précède la publication d’un propos, dont on sera l’auteur reconnaissable par le lecteur, et non seulement a posteriori par un procureur, si jamais cela tourne mal.


    C’est ici que l’on retrouve l’essence même de la liberté d’expression. Elle doit servir le débat démocratique, par définition contradictoire, en permettant que se forge librement l’opinion publique, et à travers elle, l’opinion de celles et ceux qui construisent et consolident notre démocratie. Il suffit de regarder le contenu des commentaires publiés sous le couvert de l’anonymat, pour constater qu’ils ne contribuent aucunement au débat public. Au contraire même, il dissuadent tout commentateur sérieux potentiel de se jeter dans ces sables mouvants dont ne reste du téméraire, que la dernière bulle malodorante qui signe sa fin.


    En conclusion, je suis convaincu que l’immense majorité de ces commentateurs anonymes, dont les médias ne raffolent que pour autant qu’ils s’acquittent de leur abonnement, s’imposera d’elle-même le silence dès le jour où elle devra assumer, au mieux la vacuité, au pire la malveillance, de ses propos. Et ce sera au bénéfice de commentaires plus construits et nuancés, dont nous serons tous bénéficiaires, et mieux encore, dont la liberté d’expression n’aura plus à souffrir.


    En démocratie, la liberté d’expression garantit le droit d’exprimer librement son opinion, et non d’éructer anonymement et publiquement des propos malveillants dans le mégaphone que sont devenus les réseaux sociaux. Encore moins lorsque ce mégaphone est financé par nos impôts à travers des subventions.