Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Il y a un demi-siècle, Genève s’engageait…

    … à verser aux collectivités locales françaises, au titre de leurs habitants travaillant sur le territoire cantonal, une compensation financière.


    Oui. C’est très exactement le 29 janvier 1973, voici 50 ans, que cet Accord a été signé, par le Conseil fédéral pour le compte de la République et canton de Genève, et par la République française, accordant aux Départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, une compensation financière (et non pas une rétrocession fiscale, contrairement à ce que d’autres cantons accèpteront 10 ans plus tard) correspondant à 3,5 % de la masse salariale des travailleurs frontaliers résidant sur leurs territoires. 

    https://www.estv.admin.ch/dam/estv/de/dokumente/international/laender/france/F-Grenzgaengervereinbarung-Genf.pdf.download.pdf/Frankreich-Grenzgaengervereinbarung-Genf_fr.pdf

    A l’époque, le nombre de ces travailleurs, qui contribuaient à l’économie genevoise, était sans commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui, mais leur augmentation, passant de 9’500 en août 1969, à 21’000 en avril 1972, avait interpellé les autorités. En réalité, il s’agissait de main-d’oeuvre locale (il fallait prouver une résidence de 6 mois au moins dans la région pour obtenir un permis de travail à Genève), dont les entreprises françaises se trouvaient privées, et dont les impôts n’étaient plus prélevés en France.


    Rien à voir avec le profil de la majorité des travailleurs frontaliers actuels, qui trouvent un travail à Genève, avant de s’installer en zone frontalière, en provenance des quatre coins de l’Hexagone, et au-delà. Les Accords de libre circulation entre la Suisse et l’Union européenne ont renforcé ce phénomène, puisque le travailleur frontalier et son employeur ne sont plus désormais astreints qu’à un devoir de simple annonce.
    Les fondements mêmes de cet Accord, qui visait à “compenser” ce que perdaient les Départements voisins par ce départ important de main-d’oeuvre, se sont dès lors diamétralement modifiés en 50 ans, et il s’impose dès lors urgemment de se remettre autour de la table entre partenaires de la Région, pour en discuter.
    Cela est d’autant plus vrai que la Convention contre la double imposition signée entre la Suisse et la France en 1966 indique clairement que le lieu d’imposition est le lieu de travail, et qu’une dénonciation de l’Accord de 1973 pourrait libérer Genève de toute obligation financière, ce qui ne serait certainement pas équitable. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1967/1079_1119_1113/fr


    Aujourd’hui, ce sont plus de 101’000 travailleurs frontaliers qui viennent quotidiennement à Genève, canton qui se tient sur le haut du podium dans ce domaine, avec un nombre de plus de 21’000 arrivées pour 2022
    https://statistique.ge.ch/actualites/welcome.asp?actu=4903&Actudomaine=03_05&mm1=01/01&aaaa1=2023&mm2=1/29&aaaa2=2023

    74BF0816-6501-4039-9A4F-0310BBB9ED33.jpeg
    D’une part, ces chiffres sont réjouissants, puisqu’ils témoignent de la vitalité et de la robustesse de notre économie, laquelle ne dispose pas de suffisamment d’actifs sur le territoire genevois. D’autre part, cependant, il faut se demander pourquoi cette même économie ne trouve-t-elle pas ou prétend-elle ne pas trouver les forces nécessaires, à Genève. 
    Les domaines d’activité concernés n’intéressent-ils pas nos résidents? Nos formations ne sont-elles pas adaptées aux besoins? Nos employeurs ne donnent-ils pas à nos jeunes fraîchement formés l’opportunité d’un premier emploi, préférant la fausse assurance d’une expérience préalable? Au-delà du salaire minimum, qui attire chez nous de nombreux travailleurs frontaliers sans véritable expérience, assiste-t-on à un dumping de compétences en faveur de cadres frontaliers, disposés à être surqualifiés pour des salaires bien supérieurs à ceux qu’ils peuvent espérer en France?
    Ces problématiques ne semblent intéresser personne. Les partis de droite considérant que la libre concurrence va pouvoir, une fois de plus, réguler l’offre et la demande, et les partis de gauche, craignant d’opposer des travailleurs d’ici à des travailleurs de là-bas, sont convaincus que la mère de toutes les batailles, cette du salaire minimum, ayant été remportée, le reste suivra.


    Une sainte alliance de l’inertie, donc, qui risque fort d’avoir raison de notre paix sociale, si les autorités, de part et d’autre de la frontière, ne redonnent à l’Accord de 1973 une nouvelle vocation, celle d’un mieux-vivre ensemble, pour reprendre une expression trop souvent galvaudée, mais véritablement approprié en cette circonstance. Et je ne parle pas que de perception genevoise, car l’arrivée massive de “nouveaux frontaliers” dans les départements voisins, faisant augmenter le coût de la vie, et notamment de l’immobilier, repousse toujours plus loin les habitants qui ne travaillent pas en Suisse, et soumettant les “anciens frontaliers” à une concurrence à laquelle ils n’avaient pas été confrontés jusqu’ici.
    Les 350 millions de francs que versera bientôt Genève, soit en moyenne sur ces dernières années plus de 35% des impôts prélevés sur les salaires de ces travailleurs frontaliers, n’ont plus rien à voir avec les objectifs de 1973, et ne peuvent plus être utilisés au bon vouloir des départements créanciers, dont les Préfets, selon cet Accord, “font connaître l’utilisation des crédits mis à disposition des deux départements”.


    Il ne s’agit pas d’informer Genève de ce à quoi ces sommes gigantesques sont utilisées, mais de convenir ensemble de leur utilisation. Lorsque plus de 450’000 passages de véhicules journaliers sont dénombrés à la frontière entre Genève et la France, il est grand temps de construire d’urgence de nombreux parkings-relais en région frontalière afin de favoriser les transports en commun, lesquels doivent être renforcés. 
    La problématique de la pénurie de personnel soignant en France a permis enfin de laisser s’exprimer le scepticisme quant à l’absence de régulation de la libre circulation, discours jusqu’ici porté par une minorité, rapidement taxée de xénophobie. Il est donc important que les flux transfrontaliers de travailleurs soient observés et analysés en commun afin d’anticiper les besoins et d’assurer l’équilibre des formations.


    Il est donc urgent d’actualiser les principes de l’Accord de 1973, et de négocier une participation financière de Genève, plus équitable et mieux ciblée.

     

     

  • Discours de bienvenue aux nouvelles citoyennes et nouveaux citoyens suisses et genevois

    Voici le discours prononcé le 13 janvier 2023 en ma fonction de Président du Conseil d’Etat de la République et canton de Genève à l’occasion de l’assermentation de plus de 400 nouvelles citoyennes et nouveaux citoyens suisses et genevois.


    Mesdames et Messieurs,
    Chères nouvelles citoyennes, Chers nouveaux citoyens.

    La cérémonie que nous partageons aujourd’hui est importante. Elle est importante pour vous, comme elle est importante pour les autorités qui vous accueillent dans votre nouvelle citoyenneté. Et si elle est solennelle, c’est parce qu’elle est importante. 

    Je suis donc particulièrement heureux d’être ici devant vous en tant que représentant du gouvernement de la République et canton de Genève pour vous souhaiter une chaleureuse et cordiale bienvenue dans cette nationalité suisse et cette citoyenneté genevoise, qui sont désormais les vôtres, et qui vous remercient d’avance de ce que vous saurez leur apporter.

    Cette cérémonie est l’aboutissement d’un processus qui a commencé, non pas lorsque vous  avez déposé une demande de naturalisation, mais lorsque vos liens avec la Suisse ont commencé. Cela peut être votre naissance, votre arrivée sur notre territoire, voire votre mariage. 

    Mais, je vais vous surprendre. Ce processus d’appropriation de ce que j’appellerai la Suissitude, n’est pas terminé. Il est, je dirai même, arrivé à une étape, certes essentielle, mais une étape tout de même.

    C’est ici l'occasion de nous interroger, ensemble, mais chacun en son for intérieur, sur ce que notre appartenance à ce pays qu'est la Suisse représente pour nous, et surtout pour vous désormais.

    Et en cela, cette question s'adresse aussi bien aux Suisses d'aujourd'hui, que vous êtes devenus, qu’aux étrangers d’hier que nous étions, vous et moi, car il se trouve que moi aussi  je me trouvais à votre place, il y a 46 ans.

    La Suisse est avant tout une démocratie unique au monde. Certes perfectible. Cependant, siècle après siècle, de batailles en révoltes, de révoltes en révolutions et de révolutions en guerre civile, notre Confédération helvétique et notre République de Genève ont fait mûrir un esprit de liberté et de respect de l’autre que l’on nous envie de toutes parts. 

    Car la démocratie ne se décrète pas. Vous le savez. Elle se construit. 
    La démocratie ne se résume pas à un bulletin de vote glissé dans une urne. Ce geste simple, qui n’est que l’aboutissement de la démarche démocratique, n’a de sens que si, en amont, l’opinion de chacun a pu se forger librement, par l’expression sans entraves de convictions divergentes, dans le mutuel respect de l’écoute.

    A l’heure où tant de pays, proches ou lointains, aspirent légitimement à la démocratie. A l’heure où tant d’hommes et de femmes sont prêts à sacrifier leur vie pour une parcelle de nos droits. A l’heure où certains voudraient faire de principes religieux la ligne directrice de l’action des Etats, il est bon de rappeler que la Suisse, en 1848, à la sortie d’une guerre fratricide de religions, opposant catholiques et protestants, a créé notre Etat fédéral, dans lequel les cantons ont renoncé à leur indépendance pour renforcer leur souveraineté. Dans lequel la laïcité de l’Etat a été décrétée comme seule garante du respect des convictions de chacun. Une laïcité qui ne saurait être la négation de la religiosité, mais la condition de son exercice et de son expression.

    En Suisse, le rapport de force a cédé le pas à la concertation. La lutte des classes a évolué vers le partenariat social. Le bateau est trop petit, pour que les rameurs de bâbord entrent en conflit avec ceux de tribord. Ils sont conscients que leur progression sereine dépendra avant tout de leur faculté à rythmer conjointement leur effort.

    N’oublions jamais la chance qui est la nôtre de pouvoir exprimer librement et aussi souvent nos choix de société. Soyons-en dignes et n’oublions pas non plus celles et ceux qui se sont battus pour cela avant nous, lorsque nous sommes appelés à exercer nos droits politiques ! Et cela sera particulièrement fréquent cette année.

    Oui, soyez-en dignes, et soyez toujours fiers de ce pays qui fait de vous des parties intégrantes de son identité. Mais ne renoncez pas pour autant à vos racines, qui font partie de vous-mêmes, et qui apporteront cette vigueur nouvelle dont la Suisse a toujours fait sa force, parfois à son insu. Être intégré, ce n’est pas oublier d’où l’on vient. 

    L'être humain, comme l'arbre séculaire, ne peut résister à la tempête et grandir pour s'ouvrir à la lumière, si ses racines ne sont pas profondément ancrée dans la terre. Votre terre, à chacune et chacun de vous, est un mélange indissociable de votre passé, et désormais, de votre présent et de votre futur helvétique.

    Il est vrai que beaucoup nous envient, et nous devons être conscients de notre chance. Cette chance nous ne la devons pas au hasard, mais à notre pragmatisme, à notre force de travail, et à notre cohésion sociale. Devenir Suisse, ce n'est pas seulement obtenir un passeport rouge à croix blanche, comme on obtiendrait un permis de conduire, une fois tous les examens réussis. Devenir Suisse est un cheminement constant vers le respect de l'autre et de sa différence.

    Vous incarnez, Mesdames et Messieurs, cette diversité qui a de tout temps fait la richesse de la Suisse, et tout particulièrement de Genève. 
    La Suisse se veut une terre d'asile, une terre d'accueil. Mais l’étranger n'a pas toujours été reçu à bras ouverts, et la tentation est toujours présente de se recroqueviller sur soi, par peur de la différence. Rien n'est simple, lorsqu'il est question de construire  l'intégration. Une chose est certaine cependant, cette intégration se construit à deux, ou ne se construit pas. Et lorsque l’échec est là, c’est à deux également qu’il  faut en supporter les conséquences. 

    Ce sont ces valeurs de notre pays que nous devons transmettre à celles et ceux qui auront pour tâche, nous le souhaitons, de les transmettre un jour à leur tour. Ces valeurs sont celles d'un remarquable petit pays, capable,  à travers les siècles, de construire patiemment son unité, sa solidarité, malgré, parfois, des clivages culturels, linguistiques ou religieux. Un pays qui a pris conscience que les droits ne sont que les fruit d’un arbre nommé devoir.

    Permettez-moi pour conclure de vous féliciter à nouveau, et de vous souhaiter, avec votre nouvelle citoyenneté , un avenir lumineux, tant sur le plan personnel que professionnel.

    Vive la République!

    Vive Genève!

    Vive la Suisse!

     

     

     

     

     

  • Les assureurs ont le droit de se vendre…à nos frais

    L’éditorial de La Tribune de Genève de ce jour, sous la plume de son Rédacteur en chef adjoint de la rédaction Tamedia a de quoi interpeller 

    https://www.tdg.ch/les-assureurs-ont-le-droit-de-se-vendre-947592984788

    Ainsi, en réponse à une initiative parlementaire déposée par le Conseiller national socialiste Baptiste Hurni, président de la section romande de la Fédération suisse des patients, demandant l’interdiction de toute publicité de la part de nos assureurs maladie, nous sont assénés le sempiternel droit à la concurrence et l’inaliénable liberté du commerce.
    Moi qui croyais que même les esprits neo-libéraux les moins dégrossis avaient fini par comprendre que la concurrence ne pourra jamais être un régulateur dans le domaine de l’assurance maladie de base, me voilà confronté à l’exacte démonstration contraire, de surcroît dans l’éditorial d’un quotidien genevois ! 
    Comment peut-on encore affirmer en 2022 que les acteurs d’une assurance sociale obligatoire doivent pouvoir vendre leurs produits, en vantant leurs mérites par une publicité et des démarchages grevant les primes de leurs assurés? Décidément, certains ne comprendront rien à rien. A moins bien sûr que notre quotidien, sous le couvert de la pseudo-liberté commerciale de nos assureurs, n’ait en ligne de mire que le produit des publicités qu'il en retire. Mais le penser pourrait déjà faire de moi un mauvais esprit, et j’opterai donc pour la sincérité des propos exprimés, tout erronés qu’ils soient.
    Car le principe élémentaire de la concurrence est de pouvoir vendre au même prix un meilleur produit que le concurrent, ou de vendre moins cher un produit similaire. Dans la LAMal, le produit est défini par la loi. Ni plus, ni moins. Le reste est assurance privée, ou assurance complémentaire, et dans ce cadre, la concurrence trouve sa place.
    Imaginez une seconde que le canton de Genève n’ait qu’une seule boulangerie, qui fournirait tous les commerces et toutes les grandes surfaces. Le prix de la baguette serait cependant différent d’un lieu à l’autre, et pour attirer les clients, les commerçant vanteraient la qualité de leur pain, ajoutant de surcroît les coûts de leur publicité à charge du client. Qu’en penserait-on? Avec la différence majeure que l’on peut renoncer à manger du pain mais non à s’assurer à la LAMal!
    Imaginez encore que l’AVS soit confiée à des assureurs privés, avec les conditions de rentes fixées impérativement par la loi comme aujourd'hui, et que lesdits assureurs fassent de la publicité pour attirer les jeunes assurés. Parlerait-on de liberté du commerce et de libre concurrence?
    La conclusion de tout cela est évidente: avoir confié à des assureurs privés la gestion d’une assurance sociale, tout en les laissant de surcroît proposer à leurs assurés des couvertures complémentaires lucratives, en pensant naïvement que la concurrence allait permettre une maîtrise des primes, fut une erreur. Après 26 années de ce triste constat, persister dans l’erreur s’est mué en aveuglement complice.