Une assurance maladie « à la carte »
La chaleur de l’été permet à certains de préparer des solutions miracle (du moins le pensent-ils) à l’annonce de la hausse des primes maladie que l’on nous promet pour cet automne.
Andri Silberschmidt (conseiller national PLR/ZH) a sans doute pris un coup de chaud pour imaginer qu’avec une assurance de base “light” il tenait la solution du problème. Il est bien plus probable que l’idée lui ait été soufflée par l’un de ses collègues, proche de nos chers (très chers) assureurs maladie.
En d’autres termes, si vos primes sont trop élevées, et que vous ne bénéficiez pas de subsides suffisants, restreignez-vous! Prenez une assurance de base minimum, et espérez que la santé vous soit propice! En fait ce n’est que l’expression de la liberté individuelle, puisque c’est volontairement que vous vous restreignez! Rien de plus équitable n’est-ce pas?
C’est donc la première étape d’une stratégie bien prévisible: à l’évidence, les assurés, libres mais contraints de faire ce choix douloureux, vont coûter moins cher à l’assurance sociale. Les statistiques le démontreront de manière indiscutable.
Deuxième étape: puisque le système démontre son efficacité sur les coûts des soins, il faut le généraliser. L’assurance de base deviendra, comme son nom l’indique, une assurance qui ne garantit que la base des soins vitaux. La solidarité est sauve, nous voilà rassurés.
Troisième étape: Ceux qui ont les moyens et qui ne veulent se contenter de cette assurance de base rikiki, se verront offrir une assurance complémentaire. Oui, ces assurances qui permettent de générer des bénéfices et, surtout, de distribuer des dividendes aux actionnaires.
Le tour est ainsi joué!
Avec ce tour de passe-passe exécuté avec des gobelets de bonneteau transparents, l’ingénieux parlementaire évite ainsi de se poser les bonnes questions qui font si mal à celles et ceux qui ont prêché tantôt l’inertie, tantôt le transferts des coûts de la LAMal vers les cantons, afin de maîtriser les primes à défaut de vouloir maîtriser les coûts:
- Pourquoi la Confédération ne donne-elle pas davantage de pouvoir aux cantons pour contrôler les assureurs, alors qu’il est évident qu’elle ne veut pas faire ce contrôle elle-même?
- Pourquoi laisse-t-on autant de pouvoir à nos assureurs-maladie pour régir notre santé, alors qu’ils n’ont aucune légitimité démocratique pour cela?
- Pourquoi une loi fédérale sur la prévention des maladies et la promotion de la santé, rejetée par les Chambres fédérales il y a plus de 10 ans, n’a-t-elle plus été proposée?
- Pourquoi ne veut-on pas agir plus efficacement sur l’offre lorsque celle-ci est excessive, en se focalisant uniquement sur cette offre lorsqu’elle est insuffisante?
- Pourquoi après bientôt trois décennies, persiste-t-on à penser que la concurrence va réguler le marché de la santé?
- Pourquoi n’intervient-on pas plus volontairement sur les tarifs des soins, laissant assureurs et fournisseurs de soins tenter de se mettre d’accord?
- Pourquoi ne laissent-on pas la libre concurrence jouer sur les médicaments lorsque ceux-ci sont accessibles à des prix bien inférieurs dans les pays voisins?
- Pourquoi ne veut-on pas réformer notre système de rémunération à l’acte qui rémunère davantage celui qui multiplie les actes inutiles et pénalise celui qui privilégie l’efficacité, et donc la qualité?
Et la liste serait encore longue…
Il est grand temps que les cantons rappellent leurs droits “supra”-constitutionnels: la Santé de la population est une prérogative cantonale, seule la compétence de mettre en oeuvre une assurance maladie uniforme a été octroyée à la Confédération (art.117 Cst.). Le droit de chacun à recevoir les soins que sa santé nécessite est opposable conjointement à la Confédération et au canton (art. 41 al.1 lit.b Cst.), et la Confédération n’assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme de la Confédération (art. 43a al.1 Cst.).
Ainsi, lorsqu’un canton entend appliquer la LAMal pour garantir l’accès aux soins à sa population, selon une mise en oeuvre qui lui est propre, et qui garantit sa pérennité, il n’a pas à en être empêché par la Confédération, puisque cette prérogative n’a pas été attribuée à cette dernière (art.3 Cst.). Il en va ainsi de la caisse de compensation cantonale, à ne pas confondre avec une caisse maladie cantonale, unique ou non. J’y reviendrai prochainement.
Tout ceci pour rappeler à nos parlementaires de droite, comme de gauche, qu’il faut revenir à nos fondamentaux, à savoir que la Confédération doit faire preuve de parcimonie dans la tendance qui est la sienne à vouloir sans cesse tirer la couverture à elle. Que l’on pose les règles, et qu’on laisse les cantons agir! N’est-ce pas cela le jeu de la concurrence? Qui sait, Genève pourrait bien faire mieux que Zürich!
Pour le reste, lorsque la Confédération doit agir, qu’elle commence par poser un diagnostic avant de céder aux sirènes des solutions faciles, voire mal intentionnées.