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Bloggia

  • De la rivière à la mer, douleur et haine

    Les récents propos du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou transcrits dans La Tribune de Genève le 20 juin dernier, par lesquels il déclare, notamment, qu’il “n’y a pas d’état palestinien et qu’Israël gardera le contrôle de la sécurité du Jourdain à la mer”, m’ont remémoré l’altercation survenue récemment au sein de l’Université de Genève, alors occupée par des étudiants dénonçant les massacres à Gaza, lorsque des intervenants externes sont venus arracher des banderoles qualifiées d’antisémites, car arborant le slogan “From the river to the sea”.

    Selon la polémique suscitée par cet incident, ce slogan aurait exprimé la volonté de nier l’existence même de l’état d’Israël, ce qui ne pouvait évidemment être toléré, et j’en ai alors convenu.

    Mon propos n’est pas de refaire ici l’historique ou l’exégèse de ce slogan, mais de relever que les propos tenus par Monsieur Netanyahou, dont on rappellera tout de mème qu’il ne s’agit certainement pas d’une référence en matière de droits humains, notamment selon la Cour pénale internationale, n’ont suscité, à ma connaissance, aucune réaction outrée, et encore moins de réprobation, de la part de notre classe politique, y compris de ceux que l’on voit généralement au front sur le sujet.

    Ce “deux poids deux mesures” ne peut qu’interpeller, ce d’autant que tous les sondages attestent que si la condamnation des atrocités commises le 7 octobre 2023 est heureusement unanime, une majorité de la population de notre pays désapprouve la politique de l’actuel gouvernement israëlien à Gaza, et plus généralement à l’égard de la population palestinienne.

    Ce mutisme imposé par une auto-censure culturellement intégrée depuis des décennies n’est pas une banalité si elle en vient à cautionner un usage de la force armée clairement disproportionnée à l’égard de populations civiles cantonnées sans fuite possible sur un territoire exigu, et dont on veut nier l’identité, pour mieux en gommer l’existence.

    Cette auto-censure, souvent inconsciente, n’est que le fruit d’une culpabilité occidentale encore bien ancrée à l’égard des abominations commises durant la seconde guerre mondiale, et dont nous serions tous génétiquement les cautions.

    N’en déplaise à certains, autant je considère que notre devoir de mémoire, auquel je m’associe pleinement, est imprescriptible et non négociable, autant je ne me considère pas porter dans la besace de ma conscience le poids d’une culpabilité qui me ferait au mieux, taire, et au pire, accepter, la souffrance de mes contemporrains au nom de la souffrance, aussi insupportable soit-elle, endurée par d’autres dans un passé encore récent.

    Fils de résistant, ayant combattu les troupes nazies et fascistes les armes à la main, risquant sa vie et celle de ses proches, j’ai reçu une éducation qui ne m’incite pas à m’approprier les infâmies commises durant ces années sombres. Et je dois, au contraire, pour ne pas devenir le complice de ce qui se commet sous nos yeux, dénoncer l’innommable, quelle qu’en soit la source. Et je dois avouer être bien en-deçà de ce qu’imposerait ce devoir.

    De même que l’on ne combat pas l’obscurité par l’obscurité, mais par la lumière, on ne combat par le Mal par le Mal, mais par le Bien. Pense-t-on réellement que l’on prépare la sécurité future d’Israël, en semant la haine dans le coeur d’enfants qui ont perdu leur intégrité physique, lorsqu’ils n’ont pas perdu toute leur famille sous les bombes de l’armée auto-proclamée “la plus morale du monde”?

    Le Jourdain se jette dans la Mer morte. Puisse cette symbolique ne pas présager l’avenir, et souhaitons qu’enfin, de la rivière à la mer, naisse la clairvoyance de dirigeants davantage intéressés aux générations futures qu’à leur infime, voire méprisable destin personnel !

     

  • La Santé pour les Nuls, par le Prof Nantermod

    En réponse au podcast du Temps, dans lequel j’affirmais que ceux qui pensent encore, après bientôt 30 ans de LAMal, que notre système de santé pourrait être régulé par la concurrence, devraient retourner sur les bancs d’école,https://www.letemps.ch/podcasts/sous-la-coupole/podcast-mauro-poggia-ceux-qui-pensent-que-la-sante-va-se-reguler-par-la-concurrence-qu-ils-retournent-a-l-ecole?utm_medium=partage-social&utm_source=copylink


    Philippe Nantermod, conseiller national, sortant de 8 ans de Commission parlementaire chargée de la santé, me donne la répliquehttps://www.letemps.ch/podcasts/sous-la-coupole/podcast-philippe-nantermod-les-cantons-ont-failli-dans-la-gestion-de-leur-systeme-de-sante?utm_medium=partage-social&utm_source=copylink

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    En un mot comme en cent, les responsables cantonaux de la santé n’ont pas de leçons à donner, selon lui, puisqu’ils assument la gestion de notre système de santé. Et Toc!


    Au niveau du diagnostic d’abord, on s’étonnera de la part d’un “connaisseur” du système, qu’il puisse affirmer que les coûts des soins seraient dans les mains des cantons qui “fixent les tarifs”. Certes la santé de la population est une tâche cantonale, seule la mise en place d’une assurance maladie sociale ayant été confiée à la Confédération, mais il suffit d’examiner la LAMal et son évolution, pour constater que cette loi et ses ordonnances gèrent l’ensemble du système de santé, en accordant de surcroît aux assureurs et aux fournisseurs de soins, un poids prépondérant. Ainsi, la fixation des tarifs n’est en mains des cantons que si ces partenaires ne s’entendent pas, et encore de manière non définitive, puisque la justice finit la plupart du temps par donner tort aux cantons.


    Faut-il rappeler à notre professeur du moment les 12 années de lutte cantonale pour piloter, d’ailleurs faiblement, l’installation de nouveaux cabinets de spécialistes, dont on connait l’impact sur les coûts? De même que la dérégulation du système par la majorité parlementaire à laquelle il appartient lui-même, en obligeant les cantons à investir de l’argent public dans les hôpitaux privés, en soulageant indûment les assureurs complémentaires? Sans parler de la guerre de tranchées que doivent mener les cantons pour gagner quelques menus pouvoirs de contrôle, notamment en matière de comptes de nos assureurs et de fixation des primes?


    En résumé, le reproche adressé aux cantons de ne pas maîtriser les coûts, venant de la part d’un parlementaire, membre d’un groupe qui a prôné jusqu’ici la régulation par la seule concurrence, est comparable à l’automne qui se plaint des feuilles mortes…


    Au niveau du remède ensuite, le darwinisme économique préconisé laisse pantois. Partisan du “que le meilleur gagne et le plus faible périsse!” ou d’une solidarité entre les seuls malades, notre professeur, sombre dans le cynisme. Ainsi, nous serions tous obligés d’accepter une 1ère classe, alors que bon nombre d’entre nous voudraient la seconde. En d’autres termes, ce luxe de soins n’a pas à nous être imposé et nous devrions pouvoir choisir “librement” une assurance “low cost”. Pour le surplus, que les riches (essentiellement) s’offrent des assurances complémentaires! Nos bons assureurs, ne reculant évidemment devant aucun altruisme, n’attendent d’ailleurs que cela. 


    Patience Monsieur Nantermod, il vous suffit d’attendre encore quelques années de hausses successives et vous aurez enfin une majorité de la population, fort heureusement bien-portante (car non encore malade), pour plébisciter l’abandon de la solidarité…jusqu’au moment où elle en aura besoin.


    Mais la démonstration professorale ne s’arrête pas là. Les tarifs des professionnels de soins devraient aussi se réguler par la concurrence. Et de nous donner l’exemple des dentistes, qui, à proximité de la France, ont dû adapter leurs tarifs, au profit des patients…sous réserve de ceux qui renoncent précisément aux soins dentaires, faute de moyens, et d’assurance, avec les conséquences que l’on sait en termes de santé publique.


    On survole ainsi tous les sujets, avec la dextérité d’une certitude en des valeurs universelles, ayant fait depuis longtemps leurs preuves dans le secteur de la carrosserie et de l’assurance casco.


    Quant à l’initiative visant à limiter les primes à 10% du revenu disponible, il suffirait d’asséner que cela ne règle pas le problème de la maîtrise des coûts en surchargeant de surcroît les comptes de la Confédération, pour convaincre le bon peuple. Pas un mot quant au fait que la seule alternative fut jusqu’ici, et le serait à l’avenir, de faire peser ces hausses sur le budget des ménages. Et cela ne semble pas perturber le discours, ni la conscience de ceux qui le portent.

     

     

  • Lettre à Gottlieb Duttweiler

    Cher Gottlieb, 


    Vous m’excuserez cette familiarité, mais votre création, la Migros, fait tellement partie de mon environnement depuis ma naissance, qu’elle est une véritable institution helvétique. Comment ne pas avoir de l’affection pour vous, qui, voici 99 ans, avez eu la géniale vision de venir en aide à vos contemporains, en particulier les plus démunis, en leur offrant des produits de première nécessité au prix du marché de gros. Pour cela il fallait éliminer les intermédiaires qui n’apportaient aucune plus-value, et renchérissaient les prix. Ainsi, vous avez rapproché les producteurs des consommateurs, en aidant les uns et les autres.


    Un siècle s’est bientôt écoulé depuis que les premiers camions Migros se sont mis à sillonner la Suisse en 1925. Votre créature a depuis lors nourri ses propres ambitions, et vos successeurs semblent désormais bien éloignés de de vos louables intentions.


    Le 16 janvier dernier, la Migros annonçait ainsi près de 32 milliards de chiffre d’affaires. À l’heure où les épiceries de Caritas ne désemplissent pas, signe d’une paupérisation croissante; alors que nos éleveurs et agriculteurs dénoncent les marges de la grande distribution, je m’en suis offusqué. Oh, bien modestement. Immédiatement, les services de communication du “Géant Orange” se sont mis en branle, fustigeant mon incurie, voire mon inculture. Il ne fallait pas confondre chiffre d’affaires et bénéfice me rappelait-on, par médias interposés, même si de toute évidence le premier croissait par la contribution de nos porte-monnaies. Il fallait attendre le mois de mars, nous disait-on, pour connaître la réalité des résultats.


    Alors qu’en bons Helvètes nous attendions patiemment cette échéance, voici que la nouvelle est tombée: Migros va se concentrer sur son (juteux) “corps-métier” qu’est l’alimentation, en y ajoutant les activités lucratives que sont la Banque et la Santé. Le reste, SportX, Mélectronics, Hotelplan, notamment, il faudra s’en débarrasser.


    Vous étiez porteur de valeurs; ce ne sont désormais que les chiffres qui comptent. Les lettres, quant à elles, ce sont celles de licenciement pour 1500 employés, qui seront désormais la seule version qui subsistera de votre érudition.


    Il est vrai que depuis une année, le Directeur général de votre empire n’a de votre vision que la dernière ligne du compte de pertes et profit. Après avoir fait ses armes en tant qu’auditeur expert-comptable chez Ernst & Young, puis officié en tant que directeur financier de deux grandes entreprises, que pouvait-on attendre d’autre de lui que de viser la rentabilité maximale? Ce n’est même pas un reproche. Quand on a un marteau, tous les problèmes sont des clous. Juste le temps qu’il faudra pour intéresser d’autres employeurs potentiels à la recherche de “coupeurs de têtes”. Ainsi sont les nouveaux CEO de nos grandes entreprises. La consultation des coopérateurs, elle, n’est bonne que pour le folklore, lorsque l’on fait semblant de se demander si l’on va vendre de l’alcool, ailleurs qu’à Denner. Les licenciement, eux, sont une question trop sérieuse pour les consulter. 


    Finalement, que sont les producteurs et les consommateurs, sinon les variables d’ajustement entre lesquels la marge doit faire sa place? Vous avez voulu éliminer les intermédiaires pour baisser les prix, Migros les a remplacés par des entreprises qui lui appartiennent. Tout est ainsi revenu dans l’ordre. Ne vous retournez pas dans votre tombe, cher Gottlieb, vous êtes parti la conscience tranquille.


    En attendant, nous apprenons que Lidl place des antivols sur la viande et le poisson, tant les vols à l’étalage explosent. Qu’importe finalement. Business is business! Pardon, cher Golllieb, le marché c’est le marché! 


    Merci quand même!