La Santé pour les Nuls, par le Prof Nantermod (21/05/2024)

En réponse au podcast du Temps, dans lequel j’affirmais que ceux qui pensent encore, après bientôt 30 ans de LAMal, que notre système de santé pourrait être régulé par la concurrence, devraient retourner sur les bancs d’école,https://www.letemps.ch/podcasts/sous-la-coupole/podcast-m...


Philippe Nantermod, conseiller national, sortant de 8 ans de Commission parlementaire chargée de la santé, me donne la répliquehttps://www.letemps.ch/podcasts/sous-la-coupole/podcast-p...

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En un mot comme en cent, les responsables cantonaux de la santé n’ont pas de leçons à donner, selon lui, puisqu’ils assument la gestion de notre système de santé. Et Toc!


Au niveau du diagnostic d’abord, on s’étonnera de la part d’un “connaisseur” du système, qu’il puisse affirmer que les coûts des soins seraient dans les mains des cantons qui “fixent les tarifs”. Certes la santé de la population est une tâche cantonale, seule la mise en place d’une assurance maladie sociale ayant été confiée à la Confédération, mais il suffit d’examiner la LAMal et son évolution, pour constater que cette loi et ses ordonnances gèrent l’ensemble du système de santé, en accordant de surcroît aux assureurs et aux fournisseurs de soins, un poids prépondérant. Ainsi, la fixation des tarifs n’est en mains des cantons que si ces partenaires ne s’entendent pas, et encore de manière non définitive, puisque la justice finit la plupart du temps par donner tort aux cantons.


Faut-il rappeler à notre professeur du moment les 12 années de lutte cantonale pour piloter, d’ailleurs faiblement, l’installation de nouveaux cabinets de spécialistes, dont on connait l’impact sur les coûts? De même que la dérégulation du système par la majorité parlementaire à laquelle il appartient lui-même, en obligeant les cantons à investir de l’argent public dans les hôpitaux privés, en soulageant indûment les assureurs complémentaires? Sans parler de la guerre de tranchées que doivent mener les cantons pour gagner quelques menus pouvoirs de contrôle, notamment en matière de comptes de nos assureurs et de fixation des primes?


En résumé, le reproche adressé aux cantons de ne pas maîtriser les coûts, venant de la part d’un parlementaire, membre d’un groupe qui a prôné jusqu’ici la régulation par la seule concurrence, est comparable à l’automne qui se plaint des feuilles mortes…


Au niveau du remède ensuite, le darwinisme économique préconisé laisse pantois. Partisan du “que le meilleur gagne et le plus faible périsse!” ou d’une solidarité entre les seuls malades, notre professeur, sombre dans le cynisme. Ainsi, nous serions tous obligés d’accepter une 1ère classe, alors que bon nombre d’entre nous voudraient la seconde. En d’autres termes, ce luxe de soins n’a pas à nous être imposé et nous devrions pouvoir choisir “librement” une assurance “low cost”. Pour le surplus, que les riches (essentiellement) s’offrent des assurances complémentaires! Nos bons assureurs, ne reculant évidemment devant aucun altruisme, n’attendent d’ailleurs que cela. 


Patience Monsieur Nantermod, il vous suffit d’attendre encore quelques années de hausses successives et vous aurez enfin une majorité de la population, fort heureusement bien-portante (car non encore malade), pour plébisciter l’abandon de la solidarité…jusqu’au moment où elle en aura besoin.


Mais la démonstration professorale ne s’arrête pas là. Les tarifs des professionnels de soins devraient aussi se réguler par la concurrence. Et de nous donner l’exemple des dentistes, qui, à proximité de la France, ont dû adapter leurs tarifs, au profit des patients…sous réserve de ceux qui renoncent précisément aux soins dentaires, faute de moyens, et d’assurance, avec les conséquences que l’on sait en termes de santé publique.


On survole ainsi tous les sujets, avec la dextérité d’une certitude en des valeurs universelles, ayant fait depuis longtemps leurs preuves dans le secteur de la carrosserie et de l’assurance casco.


Quant à l’initiative visant à limiter les primes à 10% du revenu disponible, il suffirait d’asséner que cela ne règle pas le problème de la maîtrise des coûts en surchargeant de surcroît les comptes de la Confédération, pour convaincre le bon peuple. Pas un mot quant au fait que la seule alternative fut jusqu’ici, et le serait à l’avenir, de faire peser ces hausses sur le budget des ménages. Et cela ne semble pas perturber le discours, ni la conscience de ceux qui le portent.

 

 

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